A Marseille, ville du foot en quatre dimensions, se joue ces jours-ci, à l'orée du mercato, un psychodrame absolument dément. Pape Diouf, Président du club, est en croisade depuis plusieurs semaines contre Vincent Labrune, Président du Conseil de surveillance de la SASP OM et d'Eric Soccer (qui coiffe la SASP OM donc le club). Au premier coup d'oeil, ce combat ressemble à celui de David contre Goliath. Le petit Pape ("Oh tu es fort Pape!..." Ugolin dans Jean de Florette de Marcel Pagnol) contre le grand Méchant Vincent. Démarche offensive risquée du Président de l'OM, qui s'assimilerait presque à un suicide professionnel.
Et Diouf prendrait le risque de ce suicide par pure conviction légitimiste : "Très tôt ce monsieur (Vincent Labrune) a outrepassé ses droits. Je me suis rendu compte qu'il voulait m'imposer des choses. Je lui ai donc répondu : certaines décisions, si tu penses les prendre, il faudra que tu viennes poser ton cul là où j'ai mis le mien. A l'OM c'est moi qui décide" (6 juin dans L'équipe mag’)... Sous entendu, c'est moi le Président de l'OM et en plus toi t'es à Paris, pas à Marseille, donc Fuck off. Imparable. Sauf qu'il ne faut pas oublier que dans l'organigramme, Labrune est au dessus de Diouf. Dans la même interview: "ce conseil de surveillance est légitime - heureusement, ndmp*- mais qu'on redéfinisse son rôle. Ceux qui le composent se méprennent: Ils croient qu'ils dirigent l'OM. Et bien non c'est Pape Diouf qui dirige l'OM". Ouh! Le melon!!! On ne sait pas concrètement ce que Diouf reproche au Conseil de surveillance et à son Président, mais on sait que Diouf a une haute idée de son poste. En effet, pas une seule fois il ne dit ce qu'on a essayé de lui imposer alors que ça n'aurait pas dû, mais par contre à chaque fois il n'hésite pas à dire que c'est Pape Diouf le Président ("il vous en prie").
Mais là où Diouf est très fort, c'est qu'il transforme ces allégations qui finalement n'apparaissent pas super fondées voire incohérentes, en un discours ultra marseillais : "sa peau - à Vincent Labrune, ndmp*- doit être trop sensible à l'air Marseillais!" ou encore "Je me battrai bec et ongles contre ces dandys de Paris". Le mot est dit. Le Conseil de surveillance siège, que dis-je, trône, à Paris. Et Paris c'est pas Marseille. Diouf est à Marseille donc lui seul est légitime. CQFD
On l'a vu, les attaques répétées de Diouf contre Labrune paraissent infondées et non argumentées. Mais surtout, elles se transforment en attaques personnelles, à la limite de la diffamation : "son nom est en train de prospérer, mais il vient du néant" (chargé de com' à France Télévisions Sports, puis responsable de la com' du groupe Reservoir Prod de Jean-Luc Delarue, puis conseiller du groupe TF1, puis pour différentes sociétés de RLD, soit une bonne "tête de mort" qu'a déjà bien roulé sa bosse à 37 ans), ou encore "le dandy" nommé plus haut.
Evidemment Diouf emporte les suffrages des supporters marseillais dont les clubs lui ont manifesté leur soutien ce week-end. Paris contre Marseille, ça marche toujours. Mais pas seulement, car il ne faut pas éluder ce que Pape Diouf a pu apporter comme stabilité dans le club depuis 5 ans, ni l'amélioration du secteur sportif assez considérable ces dernières années.
Alors pourquoi ce combat, alors qu'on n'a jamais entendu Vincent Labrune? Pourquoi ces attaques répétées qui vont probablement irrémédiablement mener au hara-kiri ? Plusieurs hypothèses s'imposent, mais aucune ne paraît satisfaisante tellement rien n'a vraiment de sens.
Soit Pape Diouf, qui a toujours eu les coudées franches depuis qu'il est Président du club, sait que l'embrouillamini Gerets a brouillé son image auprès de l'actionnaire principal, et il tente le nuage de fumée pour faire oublier l'épisode. Risqué et presque inutile, même si ça peut se justifier. Au jour d'aujourd'hui, malgré les explications de Gerets et de Diouf, on ne comprend toujours pas pourquoi Gerets est parti alors qu'il était adulé par les supporters, qu'il avait réussi de belles choses en deux ans et que l'actionnaire souhaitait le garder depuis la mi-mars.
Soit Pape Diouf a un coup d'avance, et là-dessus, il est très fort. On l'a vu, malgré le tremblement de terre provoqué par l'épisode Gerets, Pape Diouf a réussi à faire venir Deschamps en deux temps, trois mouvements, il avait anticipé le départ de son entraîneur. Quelle serait l'idée alors ? Compter sur un proche désengagement de l'actionnaire principal, pour diverses raisons qui pourraient même être très personnelles vu l'état de santé de RLD ? Et ainsi être prêt à reprendre l'OM, fort du soutien et du meilleur souvenir des supporters, avec un associé, et être dans ce cas Président ET actionnaire majoritaire ?
Ce qui porte à penser finalement que tout ce qui est inexplicable dans cette situation ne relève en fait que d'un pétage de plombs de Diouf. Puisque Diouf refuse le pouvoir naturel d'un Conseil de surveillance et d'un actionnaire. Puisque Diouf trouve plus important une remise de médaille de cadets qu'un conseil de surveillance qui vise à décider de l'avenir stratégique du club. Parce que Diouf n'a pas réussi à conserver un entraîneur qui avait plutôt bien réussi à Marseille et que l'actionnaire voulait garder (par jalousie pour sa grande popularité ?). Ou parce que Diouf n'a pas emporté un titre en 5 ans de Présidence, malgré les très bons moyens engagés, et un effectif de 37 joueurs pro, inédit en ligue 1 « auto bronzée »…
*ndmp: note de ma pomme