Hier soir, soirée Acid, offerte par l'association des réalisateurs indépendants pour fêter leur programmation Cannoise. J'ai pas pu entrer à leur film à 20h, mais je compte bien rentrer à la fête pour honorer la deuxième place lyonnaise et la qualification directe en LDC. On arrive, c'est blindé. Tant pis, je fonce, traverse la piste après être passé au bar, et me retrouve sur la plage entouré de visages connus et amis. Je rencontre le beau Grégoire, puis, à plusieurs, on refait le petit monde du cinéma français à l'heure où toute la profession tremble à cause de la numérisation des salles. Retour à l'appart' pas trop tard pour pouvoir être en forme pour la première projo dimanche matin. En attendant le retour de Thé, je commande le lillois Hazard au Père Noël via internet. Puis dodo, à bout de force, après m'être endormi sur le balcon...
Ce matin donc, première projo à 9h à la Quinzaine, j'arrive pile à l'heure, et ma toute nouvelle accréditation Quinzaine s'avère très efficace. Certes on ne m'accueuille pas dans la salle avec des putes et de la coke (c'est plutôt réservé aux joueurs de foot), mais je ne fais pas la queue et suis prioritaire. Quinzaine, tu vas me voir souvent pendant cette dizaine...
Le quattro volte de Michelangelo Frammartino est un ovni total, idéal pour démarrer une journée de projo. Lent et contemplatif, il s'ouvre sur de la fumée noire et.... des chèvres. Des chèvres, des chèvres et encore des chèvres (mais pas l'équipe de France...). Et leur berger. Un vieux monsieur, à la toux insistante et laide. Le temps passe avec eux, au rythme des journées, au rythme du quotidien. Une étrange visite à l'église, un étrange breuvage, puis une disparition. Et la vie continue. Les saisons passent, un arbre géant s'élève au dessus de ce village de Calabre, un curieux rite a lieu. Et la vie continue. La beauté plastique et la lancinante douceur de cet o.f.n.i sont d'une incroyable simplicité. Et comme les saisons, quelques moments burlesques viennent rythmer cette immersion dans un monde inconnu et "naturel".
Un peu sonné par l'expérience, je rejoins les filles dans la queue de la Quinzaine à nouveau, pour voir cettte fois-ci le documentaire du Suisse Jean-Stéphane Bron : Cleveland contre Wall Street. Pure expérience de cinéma, le film montre un procès qui n'a pas pu avoir lieu, celui de la ville de Cleveland, décimée en 2008 par la crise des subprimes et des saisies immobilières par centaines, contre Wall Street, responsable de la dîte crise. Le procès est fictivement reconstitué avec de vrais avocats, un vrai juge, l'affaire effectivement instruite, et 8 jurés pour rendre cette "justice documentaire". Le film est passionnant, d'une part par sa force vulgarisatrice qui permet de considérer la finance autrement que comme une science incompréhensible qui s'apparentrait à de la physique quantique. Mais aussi parce qu'il est un formidable récit des Etats-Unis d'Amérique, notamment sur l'aire Bush, la livraison de l'économie au seul ultra libéralisme, et qu'il donne in fine une image subtile et juste de son peuple...
En deux films, j'ai déjà fait le grand écart. D'un côté une fiction qui s'apparente à un documentaire total. De l'autre, un documentaire qui fictionnalise la réalité pour mieux la disséquer, et la comprendre. Après ces deux bonnes claques dans le "réel cannois", le festival a vraiment commencé.
Le temps de rentrer se faire un déjeuner express à l'appart' en matant le défilé des Marséyé sureuh la canneuhbièreuh, avec son cortège de déclarations définitives anti "ce-club-qui-a-été-champion-de-franceuh-sept-fois-deuh-suite-mais-qui-a-pas-ceuh-peupleuh-derrièreuh-lui", et de constater que cette ferveur populaire mène toujours les journalistes à une forme d'onanisme vulgaire qui n'a pas disparu depuis 1993, et je repars pour une deuxième partie de journée plus trash, sensuelle et sexy...
D'abord avec la rediff' du second film de Xavier Dolan, découvert l'année dernière à la Quinzaine avec J'ai tué ma mère, et qui revient déjà, cette fois-ci à Un certain regard pour Les amours imaginaires. L'histoire d'une amitié à trois, et son cortège de jalousies, fantasmes post-adolescents et de projections. On retrouve là les mêmes qualités du premier film de Dolane, et en premier lieu des dialogues excellents et hilarants. Mais aussi une folie douce scénaristique, un sens très arty de l'image, un goût fou pour le cinéma et son référencement. Le jeune homme doit adorer In the mood for love, doit s'adorer lui-même, et adore faire plaisir au spectateur. Au bout d'une heure de rire amer, l'émotion prend chair, et le gamin est encore capable de surprendre dans une ultime culbute... bang-bang, et la vie continue...
Après une pause restauration gentiement préparée à l'appart', retour au Palais en espérant pouvoir rentrer à la rediff' du dernier Gregg Araki passé un séance spéciale hier soir à 00h45: Kaboom. Je ne sais rien du film, sinon qu'il a l'air d'être dans la veine barrée de ses premiers films. L'histoire, impossible à résumer en trois lignes : il y a des amours adolescentes, du sexe, hétéro, gay, bi, de la drogue, une secte, une sorcière, des hommes à tête d'animaux, des lesbiennes endiablées, des frèers et soeurs troublés, une mère surbookée, etc, etc... Et surtout, derrière la maestria de la mise en scène kitch d'Araki qui se joue de tous les codes des teen movies, et autres films de genre à destination des ados, une bande-son dingue post rocko shoegazo planante. Objet compilant à la fois sa filmographie et la culture pop totale, ce film fout souvent "la trique" et nous apprend au passage comment s'occuper du clitoris d'une meuf sans avoir l'air de manger un plat de spaggheti...